Récit GR73

La veille : dernières préparations
Vendredi 25 mai, j’ai posé une ½ journée pour finir de préparer mon matériel et mon alimentation de course, les doses de poudre énergétique pour les ravito, mes gels et barres maison, 30 min de sieste histoire de débrancher le cerveau et me détendre. 17h30 je file à travers les bouchons vers Cruet en Savoie au pied des Bauges, récupérer mon dossard pour la course du lendemain : le GR73, 73km et 5200m de dénivelé positif annoncés.

Sur place je repère les parkings, réalise le dernier footing conseillé par le coach sur le 1er kilomètre de course, il fait très chaud, les premiers concurrents sont déjà là et certains dormiront près de l’aire de départ, moi je rentre chez moi, 1h à 1h15 de route.

23h je me couche, tout est prêt reste plus qu’à trouver le sommeil avec un levé à 3h00 du matin.

Le jour J : direction Cruet
Je n’aurais pas besoin de réveil, dès 2h00 je ne dors plus, j’attends… 3h00, j’engloutis le gatosport et prépare ma boisson d’attente sur les conseils du coach, j’ajoute ma touche perso et file dans la voiture.

4h30 je suis sur le parking, les frontales éclairent Cruet, tout le monde est calme mais la tension est palpable, le speakeur annonce 300 coureurs et nous invite à rentrer dans le sas de départ à 4h45, pas le temps de m’échauffer, pas tellement envie, c’est suffisamment long et je cherche surtout à me détendre, le temps passe vite. Voilà le décompte est parti, les coureurs essaient de se rassurer, les favoris se placent sur la ligne, je reste dans le pack des 50-70 premiers, il est temps que ça parte, marre de piétiner, pressé de décrisper les jambes et de partir dans la montagne, je connais 90% du parcours.

Départ – ravito 1 : 20km et 1850m de dénivelé cumulé (3h de course)
5h00 du matin déjà 17°C, « Pan » ça part, vite, un peu comme d’habitude, premier virage, premier bouchon, première ruelle, première engueulade, certains sont nerveux, d’autres jouent des coudes pour rester devant, heureusement ça s’élargit, chacun cherche sa place, j’ai décidé de partir cool et de me caler sur une grosse partie de la course (50ème km), sur mon rythme de repérage, je veux juste bien finir avec de bonnes sensations, prendre du plaisirs à dérouler ma course.

Première erreur d’itinéraire, je dois être dans les 40-50 premiers et comme des moutons ont fait une erreur d’itinéraire, une petite boucle de 400m avec une montée raide pour revenir sur le bon chemin, en voyant le défilé de frontales en haut nous dépasser, je prend un coup de nerf, et grimpe à vive à allure à travers la vigne, le cardio est en zone 3, un coup de gel me met une alerte dans les intestins, je serre les dents et retrouve à peu près ma place, je me détends et me fais chambrer « il est pas un peu tôt pour vendanger ? », c’est pas faut…

La première approche finie, on attaque la montée de la Roche du Guet, 3km pour 900m de dénivelé, le sentier est très étroit, j’adopte le rythme repérage, courir dès que possible et marcher dans le raide, sans me cramer, rapidement, je me surprends à doubler beaucoup de coureurs qui ne me facilitent pas vraiment les dépassements, je cours sur les contre-pentes du sentier.

Après 600m de d+, il y a moins de coureurs, chacun a sa place, la course peut commencer, je fais un petit arrêt avant le sommet et vois passer les concurrents doublés il y a 15min, les écarts sont encore faibles, je force pour retrouver ma place, en passant au sommet, 1er pointage, je ne demande pas mon classement, je suis sans le savoir sur mon temps de  repérage.
Tout va bien, le jour se lève sur Belledonne et la Lauzière encore blanches il est 6h20, j’éteins ma frontale, qui malgré la luminosité présente m’a maintenu éveillé, car malgré Prodigy ou Rage Against The Machine dans les oreilles, en l’éteignant dans la montée je me suis surpris à presque m’assoupir, à ralentir, j’ai pris l’option de la laisser allumer jusqu’à ce que le jour soit plein…

La descente vers le trou de Chignin est un peu technique et comporte de petites remontées raides, cette partie je la connais aussi et je sais de quoi est fait la suite, en confiance je continue sur mon rythme, je rattrapes quelques coureurs et reste en visu d’un bon traileur qui bizarrement à choisi de laisser ses bâtons sur le sac alors que la pente légitime largement leur utilisation, il est coriace et ne se laisse pas rattraper facilement, pas grave je reste en vu, il va ainsi me « tirer » et on double encore 2 coureurs.

A la faveur d’une remontée, il me laisse passer, je déroule et peu avant le mont Gelas j’entends et aperçois entre les arbres un petit groupe de coureurs, ils se retournent, ils m’ont vu, au sommet (je ne fais  pas attention à l’heure), 13ème km et déjà 1420m en cumulé je demande mon classement, mais le bénévole fait juste un pointage, pas grave, j’entame la descente d’abord raide encombrée de feuille, gravillon, branche, étroite et tournante, je me tords les 2 chevilles, va pas falloir se relâcher…

Je recolle les 3 concurrents qui ne se laissent pas doubler facilement, encore une fois il m’a fallu passer en bordure, dans les herbes hautes les bras en avant pour chasser les branches des arbustes, en faisant des bons pour éviter les arbres morts couchés au sol, ça use un peu mais ça passe…

A la faveur d’une remontée je rattrape 2 coureurs, qui sont plus fairplay, j’enchaîne jusqu’au Lac toujours à jouer à Pac-Man, j’arrive avec 50min d’avance sur mes prévisions, au 1er ravito (comme quoi un repérage seul sous la pluie sans marquage ça ralenti), 20km et 1850m de D+ en cumulé, il est 8h00 (j’informe Céline qui doit me ravitailler au 42ème km). Après 30min sans eau, je peux enfin faire le plein, tout va bien, quelques coureurs sont là et d’autres doublés précédemment sont plus rapides sur cette transition, peu importe je repars assez vite, la suite du programme est plus sérieuse, …

Ravito 1 – Ravito 2 : 15km et 1360m de D+ (2h23)
avant la première remontée, 3 coureurs déboulent d’un chemin à fond, ils s’étaient trompés d’itinéraire, je reste en vu, mais ils vont vite, je me fais rattraper par un coureur dans la première partie raide, puis ensuite sur la partie montante plus roulante il marche encore, je relance et m’accroche à un concurrent « casaque noire » qui me semble en forme, il l’est.

Arrivé à la Rongère, 25ème km (2020m d+ cumulé), dernier hameau avant 10km de montagne, 2 coureurs semblent bien fatigués et ne reprennent pas la course, on attaque une montée cruciale, au programme 6km et 1045m de D+ à 90% incourable avec des passages à plus de 40%, de la montagne, enfin ! La chaleur est élevée.

J’ai toujours mon coureur « casaque noire » en vu, il est bien tenace et vérifie son avance en se retournant, je gère, mon alti m’indique que l’on grimpe bien, pas la peine de forcer l’allure, on double 2 coureurs peu avant le Pic de la Sauge et rattrape un groupe de 4 coureurs qui au sommet reviennent sur leur pas après une erreur de parcours, je fais une pause, avant de les retrouver, discute avec un mec bien sympa qui galère un peu mais finira bien, les autres sont moins bavards et certains ont des crampes, j’arrive au sommet de la Galoppaz, 1681m, 32km (3065m de D+ en cumulé et 4h56 de course), un bénévole me lance « même pas le temps d’apprécier le paysage ? » je le rassure la vue est magistrale au loin le Mont Aiguille (demain une grosse sortie vtt attend les potes), j’ai toujours en visu le coureur en noir, la descente est bien raide (> 40%) à nouveau tout sur les quadri, un coureur me double « casaque blanche », mes chaussures commencent à me tailler la malléole du pied droit, …

2ème ravito (34,5km 5h23 de course), encore 50min sans eau, 2 ou 3 coureurs sont là, on m’annonce 19ème, surpris je repars avant les autres (casaque blanche et noire) donc peut être 17ème avec seulement 1 litre d’eau cette fois-ci sans poudre.



Ravito 2 - Mont Colombier : 15,6km et 1690m D+ (2h56)
A la sortie du ravito 2 on rentre assez vite dans une montée toujours raide, 400m d+ sur 2km où je tache de rester concentré, suivi de 2km de descente tout aussi raide, puis de la route (modification de parcours), pendant 50min je ne vois personne, j’avance bien, je sais que Céline et Tiago seront au ravito 3 d’Aillons, 42,5km. 15min avant d’y être elle me le confirme par téléphone, ça me galvanise, leur présence est un vrai carburant. Le soleil cogne, un concurrent marche carbonisé…

Je quitte le ravito avec 1h d’avance, il fait toujours très chaud, il est 11h25, je revois une dernière fois avant plusieurs kilomètres Céline et Tiago à Crévibert avant l’ascension du Mont Colombier, je lui annonce être moins bien, cette petite partie plate m’a remué le ventre.

Il me reste 6km et 1245m de D+ pour atteindre ce sommet perché à 2045m, après 2km de montée-descente courable, la suite ne l’est pas, je double un coureur qui est « pacé » et bien surpris de mon dépassement, son regard est rempli de questions… « casaque blanche » me suit, je fini par les décrocher.

Après un passage enneigé, je sors de la forêt à 1500m d’altitude, deux contrôleurs m’annoncent 12 ou 13ème, maintenant c’est un alpage jusqu’au col de la Cochette (1694m), où je suis toujours seul, le coureur aperçu devant, quelques minutes avant a grimpé fort sur l’arrête à 40%, je n’ai plus d’eau depuis 20min et il me reste 10km jusqu’au ravito situé au 60km, je double des randonneurs, mais cette montée me sèche, on est au sommet 50ème km (4900m de D+), il est 13h20, 8h20 de course, j’ai encore 55min d’avance sur mes prévisions, mais cela n'a pas d'importance.

Mont Colombier – Arrivée : 21,2km et 600m de D+ (2h56)
Le plus gros est fait alors pour la dernière partie, le temps ne compte plus, je vais finir à la sensation, seul le kilométrage et l’altimètre me serviront, le cardio ne sert plus à rien depuis le 13ème km mon rythme est calé, je connais les distances avec les points qui suivent, juste assurer ma place si possible et boire, boire et encore boire,...

En effet, le doute s’est installé : comment gérer la suite…j’ai soif et me fais rattraper par les 2 qui me suivent. « casaque blanche » bascule dans la descente avant moi mais m’invite à passer devant, il me dit ne plus pouvoir courir en descente et m’encourage à rentrer dans le top 10, étonné je me lance dans cette descente accidentée, étroite, pleine de gravillons avec des blocs, je vois celui qui me précède en bas dans les alpages courir à grandes enjambées, ça va être dur de recoller, j’ai plus envie de garder ma place et suis plus inquiet du coureur « pacé » qui pourrait prendre sa revanche dans cette descente, je n’ose pas me retourner pendant 5km et allume avec ce qu'il me reste pour creuser l’écart.

Avant le col de Fullie (54km) nouveau pointage, après 1h sans eau, on m’indique à la fois un point d’eau salvateur et non prévu, qui me rempli au goutte à goutte mon camel, personne n’arrive ouf, 500ml suffiront et l’autre info est que le vainqueur de l’année passée, Jules-Henri Gabioud (vainqueur du TOR des Géants 321km et 24000md+) aurait abandonné au col, je serais donc 11ème

Je poursuis seul sur cette partie un peu plus roulante, parfois boueuse et raide en tachant de relancer au max toujours pour creuse l’écart, arrivé au chalet de la Cha, 58ème km, toujours seul depuis le 50ème je retrouve une partie entièrement reconnue jusqu’à l’arrivée, ça me booste, j’ai de nouveau soif, plus d’eau, j’ai hâte d’arriver au Mont Pela. A peine sortie de la forêt, la vue se dégage je vois 3 coureurs devant, je m’accroche.

Au ravito du Mont Pela 60km et 9h42 de course il ne reste qu’un coureur qui s’alimente, on me confirme ma place et après avoir bien déconné avec le 10ème on repart ensemble je lui détaille la suite du programme, il me dépose dans les 2km de descente, moralement je me dis que si les autres courent comme lui, je ne pourrais pas les rattraper, car, il ne reste qu’une ascension jusqu’au 66ème km et ensuite c’est 7km de descente, …les jambes sont dures.

Dans cette dernière montée (300md+) qui commence dans la forêt sur une piste je cours pour garder ma place et fini par apercevoir à travers les arbres le 10ème qui marche, dans la partie sous le Mont Charvet, composée d’un sentier pénible je le double en lui disant qu’il va vite en descente, il semble moins bien, j’en profite pour creuser mon écart en relançant sans arrêt, peu avant le sommet, je vois un chauve… « un bénévole, un randonneur ou un coureur ? », au sommet 3 ou 4 bénévoles et aucun chauve…10h30 de course.

C’est le 9ème, après avoir une dernière fois remonté mes manchons de contention sur mes mollets pour limiter les vibrations, j’attaque les 7km de descente, d’abord par 2km raides et techniques, plein de feuilles et de branches, rapidement je recolle le chauve mais il m’a vu et ne lâche rien, je serre les dents car ma malléole droite se fait tailler par ma chaussure sur ce sentier étroit et en dévers.

Dans la seule clairière où l’herbe accentue le risque de glissades, à ma grande surprise, j’aperçois le 7ème, 8ème et 9ème, le terrain étant encore technique et raide je décide de forcer pour recoller et fini par me retrouver 7ème au hameau de Mont Lambert situé au 68ème km, Céline et Tiago sont là, l’effet booster est immédiat, je leur laisse mes bâtons, zappe le ravito, après 10h47 de course, il me reste 5km et le 8ème s’est arrêté au ravito.

Le début reste technique les quadri et les ischios sont raides je ne peux pas allonger mes foulées, puis c’est roulant, très roulant, reste un pierrier, après avoir croisé une vipère qui devait profiter du soleil qui fait mal, j’entends le 8ème et le laisse passer et c’est 1km avant l’arrivée que je me sens rassuré, personne ne semble revenir, le 7ème ne va pas faillir, je franchi la ligne d’arrivée avec une dernière douleur à l’abdomen, mais tellement satisfait, 11h14 de course, bonne bourre avec le 7ème qui me tape dans la main, je cherche l’ombre avant que Céline et Tiago me rejoignent…

C’est fait 8ème, 1er V1, inespéré. 140 personnes franchiront la ligne d’arrivée, moins de 50% de finishers la chaleur a fait des dégâts, malgré avoir bu plus de 8litres, je reste déshydraté.

L’entraînement a payé et les repérages effectués les we précédents ont été déterminants pour la gestion de cette course. Le soutien et la présence de Céline font complètement partie de cette réussite.

Maintenant, il me reste un ogre à courir, la Montagn’hard, tout sera plus difficile, plus de 110km et plus de 9000m de dénivelé annoncés la semaine passée, suite à une dernière modification de parcours, une autre dimension…

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